Grandir Main dans la Main

Quoi dire lorsque Vous Restez-écouter

Un article de Patty Wipfler / Traduit de l’anglais par Julian Roché et Chloé Saint Guilhem

Nos parents, pour la plupart d’entre eux, ne nous ont pas écoutés tandis que nous exprimions nos sentiments de façon passionnée. Ceci n’a jamais été modélisé pour eux. Nous, à notre tour, ne savons pas toujours quoi dire. Il se peut que nous réussissions à ne pas interrompre les sentiments intenses de nos enfants pendant un moment, mais que nous nous trouvions en difficulté pour savoir comment répondre à leurs envies et à leurs besoins, de la façon dont ils les expriment.

Parce que Rester-écouter est un outil que vous pouvez utiliser face à différents types d’explosions émotionnelles – crise de rage, chagrin, peur, et même une colère passionnée avec un désir de taper ou de mordre – il n’y a pas une formule type à suivre dans toutes ces circonstances. Mais voici les grandes lignes de ce que nous avons appris.

Votre but est de trouver ce qui permet à votre enfant de continuer à libérer ses tensions émotionnelles, pleinement et de façon désinhibée, ainsi que d’apprendre ce qui la freine ou l’arrête. Parfois, les propres peurs de votre enfant vont la freiner ou la stopper. Il s’agira alors pour vous de trouver ce que vous pouvez faire pour instaurer un climat encore plus rassurant pour elle, dans le temps. Mais parfois un commentaire légèrement « à côté », de votre part va la distraire de l’émotion qu’elle s’efforce de décharger. Cet article peut vous être utile si vous vous demandez quoi dire à votre enfant lorsqu’elle est en train de décharger d’intenses émotions. Ne cherchez pas la perfection ! Ces choses mettent du temps à apprendre.

Lorsque vous Restez-écouter, vous voulez offrir au moins 75 % d’écoute, avec juste quelques paroles, ici et là. Si une enfant se montre terrorisée, allez y, montrez vous encore plus rassurant.e à travers vos paroles. Essayez d’accueillir, de comprendre et de prendre en compte chaque détail concernant l’émotion sur laquelle votre enfant est en train de travailler, et en même temps, faites-lui savoir que vous la protégez, et que vous avez confiance qu’elle va très bien réussir à dépasser cette émotion.

Voici quelques unes des choses qui sont utiles à dire.

1) Vous voyez ce qui s’est passé et vous vous en préoccupez. Focalisez-vous sur votre attention et sur la relation. « Je ne veux pas te laisser toute seule » « J’ai juste envie d’être avec toi en ce moment, rien d’autre. » « Je sais que tu voulais ce biscuit. » « Oui, Papa est sorti ; il t’aime et il va revenir. » « Je sais que c’est difficile. » « J’aimerais pouvoir te laisser dehors plus longtemps. » « Laisse-moi rester avec toi encore un moment. » « Je suis arrivé(e) aussitôt que je t’ai entendue m’appeler. » « Je veille sur toi chaque minute. » (Avec les bras grand ouverts) « J’ai de la place pour toi ici sur mes genoux. »

2) La situation présente est sûre. « Je sais qu’elle a pris ta poupée. Tu pourras lui parler dans un petit moment. » « Ton frère ne veut pas te blesser. Je suis désolée de ne pas être arrivé.e plus tôt pour vous aider. » « Papa va revenir, il revient toujours. » « Bientôt ça ne te fera plus mal. » « Ton corps sait comment guérir. » « Tu pourras avoir un biscuit un autre jour. » « Personne n’est contrarié contre toi. Mais je dois t’arrêter. » « Je pense que tu peux encore passer une bonne journée. » « Je ne vais pas le chercher tout de suite. Il se peut que nous le retrouvions plus tard. » « Je sais que tu veux partir. Mais je pense que tu pourrais passer un bon moment ici. »

Il existe une différence entre le fait de dire « Il se peut que nous le retrouvions plus tard, » avec l’intention d’arrêter les pleurs, et « Il se peut que nous le retrouvions plus tard, » comme un état de fait, visant à indiquer que la situation est totalement sûre. Essayez de montrer le côté rassurant et l’espoir plutôt que de distraire l’enfant avec l’idée de partir à la recherche de l’objet perdu.

3) Il est rassurant d’observer ce qui vient de se passer, ou ce qui est sur le point de se passer. « Tu veux vraiment la tasse qu’elle a prise. » « Regardons ton genoux et voyons ce qui s’est passé. » « Tu peux lui parler d’attraper le ballon lorsque tu es prêt. » « C’était trop bruyant. Je comprends. » « C’est l’heure d’aller au lit. », « C’est l’heure de dire au revoir maintenant. » « Es-tu prête pour quitter le parc maintenant ? » Vous accordez à votre enfant une pause par rapport à ce qu’elle a à faire. Ainsi, vous lui permettez tout en lui laissant le temps, d’observer et de vous montrer ce qu’elle ressent. Touchez légèrement le sujet précis qui a fait remonter l’émotion. Faites-y référence uniquement lorsque les pleurs, la colère ou les peurs se calment.

Aussi longtemps que votre enfant aura besoin de travailler sur ce nœud précis d’émotions, le fait de le mentionner amènera de nouveau des larmes, de la colère ou de la lutte physique. Arrivé à un certain point, la cascade de sentiments de votre enfant s’atténuera, et sa pensée s’éclaircira. Jusqu’à en arriver là, appuyez sur le point sensible occasionnellement, de façon douce, tout en citant les choses comme elles sont. Utilisez le même ton que vous prendriez pour dire : « Le ciel est bleu, » ou « Bruno a le vélo bleu. » « Serena a eu le dernier biscuit. » « Nous n’avons plus de jus d’orange. » « C’est l’heure d’y aller maintenant. » « Ce camion était dans les mains de ton copain. Il te faut lui rendre. »

Mettez beaucoup de tendresse dans votre écoute tandis que vous exprimez ces états de fait, de façon à ce que la réalité du moment soit entourée de votre compassion. Ceci fait savoir à votre enfant que la vie est fondamentalement sur une bonne voie, que vous n’avez pas peur de ce qui arrive, ou de ce qui va arriver, et que qu’elle a votre attention. Lorsque vous n’avez pas peur, vous offrez de l’espace et suffisamment de sécurité à votre enfant pour lui permettre de prêter attention à ses émotions, de les décharger complètement et d’en finir avec elles.

4) Si votre enfant est profondément en proie à la peur, essayez de contrer les sentiments qui sont quasiment toujours liés à la peur. Une enfant terrifiée va sentir qu’elle est seule ; que personne ne peut l’aider ; qu’elle ne peut pas arranger les choses ; que cet ennui continuera pour toujours ; qu’elle pourrait ne pas y survivre ; qu’elle n’est pas suffisamment intelligente, suffisamment douée ou suffisamment forte pour s’en sortir ; que personne d’autre ne se préoccupe pour elle. Écoutez ce que votre enfant vous dit et vous montre, offrez-lui votre réconfort pour contrer les aspects de la peur ou de la terreur dont elle vous dit faire l’expérience.

« Je suis là, je ne vais pas m’en aller. » « Je veille sur toi chaque minute. » « Je reste là pour t’aider. » « Tu vas trouver une solution. » « Tu ne sais pas encore, mais tu sauras. J’en suis sûre. » « Cela ne durera pas éternellement. Je m’assurerai de cela. » « Je sais que c’est difficile, mais cela ne le sera pas toujours. » « Tu l’as fait. » « Ce qui t’a effrayée ne se reproduira plus jamais. » « Tu es entièrement bonne. Tu es très bien comme tu es. » « Tu es une fille forte, intelligente. Je crois en toi. » « Rien ne peut me faire changer de camp. Je suis ta mère/ton père, et je suis là pour te protéger. »

En général, les enfants en proie à la peur ont besoin d’entendre qu’ils vont survivre. Dans ces moments-là, parler avec eux de notre amour est beaucoup moins important. La survie est primordiale. « Tu l’as fait » et « Je suis là » sont les phrases clefs pour leur apporter du réconfort.

Ce que vous dites doit venir de vous, pas de cette liste, mais j’espère que cela vous donnera quelques idées sur la façon dont les émotions d’une enfant déforment sa réalité, ainsi que sur la façon dont vous pouvez lui faire savoir que vous l’aimez, et que vous allez rester solidement à ses côtés tandis qu’elle est traversée par ses sentiments et qu’elle s’en libère grâce à ce merveilleux processus de guérison.

Voilà maintenant quelques choses « à ne pas faire » que nous avons identifiées après plusieurs années d’écoute des enfants dans les affres de sentiments intenses.

1) Essayez d’éviter de qualifier les sentiments de vos enfants. Vous voulez que votre enfant vous parle à vous, de ses sentiments. Elle nommera ses sentiments, si elle désire faire. Par exemple, nous déconseillons de dire, « Oh, chérie, je vois que tu es très triste, » mais nous vous encourageons plutôt à dire, « Oh, oui, c’était difficile, » de façon à ce que votre enfant soit libre de mettre sur ses sentiments le nom qu’elle veut leur donner, ou de ne pas les nommer du tout.

Beaucoup de gens pensent que l’on a besoin d’apprendre aux enfants à nommer leurs sentiments afin de mûrir, mais nous ne sommes pas d’accord avec cela. Votre enfant va apprendre le nom qui correspond à ses sentiments sans que quiconque ne l’y entraîne. De plus, demander régulièrement à un enfant de nommer son sentiment a plutôt tendance à atténuer la libération de ce sentiment. Cela ramène l’attention de votre enfant dans son cortex préfrontal, et l’éloigne du travail limbique de décharge des tensions émotionnelles. Votre écoute est la clef de ce processus, et non pas la capacité de votre enfant à nommer ses sentiments.

2) Essayez de ne pas dire des choses telles que, « Je vais rester avec toi jusqu’à ce que tu te calmes. » Cela aurait pour effet de focaliser l’attention de votre enfant sur le fait d’arriver au terme du processus de décharge émotionnelle. Vous pouvez dire, « Je vais rester avec toi tant que c’est difficile, » ou « Je pense que tu peux encore t’amuser aujourd’hui, » ou « Je vais m’assurer que tu aies des choses que tu aimes à manger aujourd’hui, mais pas des biscuits, » plutôt que « Je vais rester ici jusqu’à ce que tu aies fini de pleurer. » Parler de comment le processus va se terminer conduit votre enfant à en précipiter la fin, à se focaliser sur le temps passé, ou à vous montrer qu’elle a « fini » de pleurer, alors que des contrariétés évidentes continuent de brouiller son esprit.

3) Essayez d’éviter de parler de votre conviction comme quoi il est bon de pleurer ou de faire une crise de colère. « Il est bon de faire sortir les émotions, vas-y, sois en colère, » ou d’autres commentaires de ce type, qui feront sentir à votre enfant que vous attendez quelque chose d’elle. Avec le temps, elle deviendra gênée par rapport au processus de décharge émotionnelle. Vous voulez lui faire sentir votre compassion et votre soutien à la place. Donc, quand votre enfant est triste, mais qu’elle ne mène pas un combat physique, restez proche et faites lui simplement sentir la chaleur de votre présence et de votre attention.

Lors d’une séance de travail sur une colère ou une peur, durant laquelle une enfant aurait besoin d’être active physiquement, nous recommandons de dire quelque chose comme, « Je vais rester juste là. Tu peux lutter fort si tu veux. Je ne te laisserai pas me faire mal, » de manière à donner la permission à votre enfant de vous utiliser comme repoussoir tandis qu’elle se débat et pleure afin de libérer des sentiments de peurs. Avec ce genre de « permission », vous parlez de ce qu’il se passe entre vous et votre enfant, plutôt que du processus de libération émotionnelle. C’est la différence entre pousser votre enfant sur la balançoire tout en jouant au jeu de « Je vais te faire un bisou! », et le pousser en même temps que vous lui énumérez combien de calories il brûle pendant qu’il fait des pompes.

Vous pouvez développer votre capacité à vous montrer confiant.e, chaleureux.se et inébranlable lorsque votre tendre enfant a été blessé, déçu, ou lorsqu’il se trouve à face avec un défi effrayant.
Voici comment vous pouvez utiliser votre Partenariat d’Écoute pour stabiliser votre propre navire émotionnel lorsqu’il se trouve dans des eaux tumultueuses.

1) Choisissez les situations qui vous inquiètent, vous énervent, ou vous causent le plus de peine. Prenez les une par une comme thèmes pour votre tour de Partenariat d’Écoute. Lorsque vous avez choisi une situation, vous pouvez utiliser les approches suivantes pour vous apporter un certain soulagement face aux sentiments intenses qui surviennent et vous tenaillent. Ce ne sont pas les seule approches : vous et votre Partenaire d’Écoute allez trouver ce qui marche le mieux pour vous. Ces idées sont juste là pour vous permettre de commencer !

2) Dites toutes les choses qui vous viennent à l’esprit, celles qui tourbillonnent dans votre tête et qui expriment vos réactions intérieures. « Comment osez-vous traiter mon enfant de la sorte ! » ou « Espèce d’idiot! Pourquoi as-tu eu besoin de faire ça! » ou « Pauvre bébé ! Je ne sais pas ce qu’on va faire. Je n’aurais jamais voulu que tu en passes par là ! » Quelles que soient vos réactions brutes face à la situation, elles ont besoin d’être entendues par votre Partenaire d’Écoute.

3) Ensuite, essayez de faire remonter l’émotion ou la réaction que vous avez jusqu’à votre enfance. Est-ce ce que vous n’avez jamais pu dire à un grand frère dominant ? À vos propres parents ? Est-ce que cette réaction est explosive, car vous avez été victimisé.e de la même manière ? Qu’aviez vous besoin de dire aux autres à ce moment là ? Avez-vous eu besoin de crier à l’aide ? De supplier vos parents pour qu’ils vous protègent ? Explorez, et remontez dans le passé pour vous lever pour la jeune personne que vous étiez alors, et pour exprimer les émotions qui n’ont jamais été entendues par un écoutant bienveillant.

4) Essayez de vous exprimer avec plus de gentillesse, plus de tendresse, et avec une attention plus grande que ce qui est confortable pour vous. En faisant ceci, il se peut que vous vous mettiez à rire d’embarras, ou avec le sentiment que, « Ce n’est pas vous! » Généralement, notre capacité à exprimer notre amour à travers nos voix, les expressions de nos visages ou notre toucher est limitée par la façon dont nos parents ont modélisé la gentillesse et l’attention pleine. D’une modélisation incomplète de l’amour et de l’attention tend à résulter une certaine rigidité de notre part – Cela est difficile de se sentir à l’aise pour offrir de la gentillesse de façon nettement plus chaleureuse que ce que nous n’avons jamais reçu. Donc, pour développer votre capacité à montrer l’abondance de votre amour, essayez de le faire avec votre Partenaire d’Écoute. Soyez attentif.ve à comment vous vous sentez alors que vous faites ceci. Lorsque vous allez travailler à briser les limites étroites de la gentillesse que l’on a montrée à votre égard, les sentiments vont jaillir, la guérison va survenir, et vous allez remarquer des changements qui seront gratifiant pour vous, et très utiles pour votre enfant.

Par exemple, plus tôt dans mon propre travail grâce à l’écoute, j’ai décidé que je voulais apprendre à montrer de l’affection à travers le toucher. J’ai été capable d’être affectueuse avec mes frères et sœurs en grandissant, mais mes parents étaient souvent trop stressés pour nous toucher avec affection. J’ai réalisé que je n’arrivais pas à donner ou à recevoir de l’affection aussi bien que je le voulais. J’ai passé plusieurs heures de Partenariat d’Écoute à simplement placer mon attention sur le fait de toucher délicatement la main, le bras ou la joue de mon Partenaire d’Ecoute. Faire ceci me faisait fondre en larmes, et un flot de sentiments qui étaient en lien avec les maladies qui ont frappé notre famille, avec la discipline qui nous était infligée à nous en tant qu’enfants, ainsi qu’avec mon désir profond de rendre les choses meilleures, me traversa, heure après heure. Juste le fait de placer mon attention sur un simple signe d’affection a permis à des guérisons importantes d’avoir lieu, et mon Partenaire d’Ecoute n’a pas eu besoin de dire un mot.

Votre capacité à écouter votre enfant va augmenter à mesure que vous allez utiliser les Partenariats d’Ecoute comme espace pour expérimenter plus de tendresse, plus d’affection, et comme exutoire pour les émotions que vous avez dû retenir durant votre enfance. Et le sixième sens inestimable, comme quoi vous offrez à votre enfant exactement ce dont elle besoin de votre part, va se développer aussi. La confiance que votre enfant a en vous va se construire, pleurs passionnés après pleurs passionnés. Et vous allez pouvoir l’aider de façon véritablement puissante.