Grandir Main dans la Main

Apprivoiser la colère des parents : 8 clefs pour calmer la tempête

Un article de Julie Johnson, Instructrice Grandir Main dans la Main aux Etats Unis / Traduit de l’anglais par Frédérique Mezier

« La réponse la plus aidante face à un sentiment réactif, est de reconnaître que la charge émotionnelle qui émane de vous est un signal indiquant qu’il y a quelque chose qui cloche. Autrement dit, la réactivité émotionnelle est une raison d’aller à l’intérieur, en vous focalisant sur votre propre croissance. Une fois que vous avez compris qu’il n’y a pas d’ennemis, mais seulement des guides vers la croissance intérieure, alors tous les acteurs de votre vie deviennent des miroirs de votre moi oublié. » – Shefali Tsabary

Mon père était colérique. La moindre petite chose le faisait sortir de ses gonds – un jouet laissé sur la table, trop de rigolade au moment du dîner, un regard de travers. Un jour, il s’est tellement énervé contre moi que j’ai été pétrifiée par le bruit des glaçons s’entrechoquant dans son verre alors qu’il gesticulait avec rage.

En grandissant, j’ai pris conscience que cette rage ne m’était pas destinée. L’enfance de mon père avait eu son lot de traumatismes et d’instabilité. En effet, mon grand-père, un responsable syndical, subissait de fréquentes descentes de police à son domicile. Il a, de fait, souvent fait déménager sa famille afin de protéger les siens.

Enfant, mon père a également enduré une semaine d’hospitalisation éprouvante. Il est rentré à la maison après être resté alité sur un fin matelas et fermement attaché à un lit en métal. A cette époque, les parents n’étaient pas autorisés à séjourner auprès de leurs enfants. Lorsqu’il a enfin revu sa mère, mon père s’est enfoui dans ses bras et n’a réussi à se calmer qu’au bout de plusieurs jours.

Ainsi, mon père a apporté plus qu’un fardeau dans notre famille. La peur et la colère qu’il a emmenées avec lui ont déteint sur ses relations avec nous. Il s’emportait facilement, et mon frère et moi devions marcher sur la pointe des pieds autour de la maison afin d’éviter de mettre le feu aux poudres et de provoquer sa prochaine grosse explosion.

Etre parent peut déclencher le moindre sentiment que vous portez – même certains que vous ne pensiez pas avoir. Le problème c’est que lorsque l’on décharge cette fureur sur nos enfants, nous les effrayons profondément. Les enfants sont sensibles : ils naissent avec des cerveaux déjà développés émotionnellement et sont susceptible de prendre notre tension, notre colère, même au cours de la petite enfance.

Mais même si nos enfants le remarquent lorsque nous crions, ou les attrapons trop fort, ils ne sont pas responsables. La psychologue Laura Markham indique « …personne ne provoque réellement vos sentiments débordants. Ce sont vos sentiments, qui proviennent de votre enfance, d’autres traumatismes, ou du stress que vous vivez actuellement. Votre enfant les a simplement fait rejaillir et vous donne l’occasion d’en guérir. »

Quand les parents ont besoin de se « mettre à l’écart »
Vous pouvez prendre l’engagement avec vous-même d’apprivoiser vos propres crises de colères. Voici quelques pistes que vous pouvez suivre lorsque vous êtes sous l’emprise de la colère et que vous avez besoin d’une « mise à l’écart » :

1. ARRÊTEZ ce que vous êtes en train de faire. Ne parlez pas, ne criez pas – simplement stoppez toute activité. Concentrez-vous sur votre respiration si vous le pouvez. Ce n’est pas chose facile ! Mais c’est une des premières choses à faire lorsque vous êtes au beau milieu d’une crise. Au même titre que tout exercice permettant de réduire le stress, cette méthode requière de l’entraînement. Mais lorsque l’on prend conscience de sa colère, au fil du temps, l’emprise se relâche.

2. ECARTEZ-VOUS. Dites à votre enfant que vous avez besoin de faire une pause et écartez-vous de la situation pour un moment. « Maman est énervée, j’ai besoin de me calmer ». Cela peut signifier de vous isoler dans la salle de bains et de pleurer un peu, de crier dans un coussin ou d’aller marcher dehors afin de vous changer les idées si un adulte calme peut prendre le relais auprès de votre enfant.

3. ALLONGEZ-VOUS SUR LE SOL. Oui sur le sol ! Patty Wipfler, fondatrice de Hand in Hand suggère d’arrêter ce que vous étiez en train de faire et de vous allonger sur le sol. C’est un moyen très puissant de mettre un terme à une situation qui vous fait bouillir. Quelquefois, lorsque vous êtes dans un rapport de force avec votre petit ou prête à exploser, le fait de vous allonger vous permet de faire une remise à zéro de vos émotions et de rompre avec toute situation chaotique avec votre enfant. Vos tous petits s’approcheront sans doute de vous par curiosité ou monteront même sur vous. S’allonger permet de prendre un nouveau départ, en vous permettant de mettre fin à tout ce que vous faisiez auparavant et qui ne fonctionnait pas.

4. FAITES QUELQUE CHOSE D’AUTRE. Buvez un verre d’eau doucement, mettez de la musique et dansez avec votre enfant, allez dehors afin de respirer de l’air frais, changez-vous les idées. Cela vous permettra temporairement de diminuer la frustration naissante jusqu’au moment où vous allez mettre en place un plan d’action pour apprivoiser vos colères.

METTEZ EN PLACE UN PLAN D’ACTION A LONG TERME

5. DEMANDEZ DE L’AIDE DANS LES MOMENTS DIFFICILES. Notez les situations particulièrement éprouvantes ou stressantes avec vos enfants et trouvez une tierce personne susceptible de mettre la main à la pâte. Une maman dans l’un de mes cours a relaté qu’après la naissance de son deuxième enfant, elle devait emmener sa fille aînée à l’école chaque matin. Le bébé ne cessait de pleurer pendant les trajets en voiture de 40 minutes aller-retour. La famille arrivait à l’école épuisée et perturbée. Après quelques semaines, la maman était au bout du rouleau. Elle a demandé à une amie de prendre sa fille en charge deux fois par semaine, et les autres jours, son mari s’est arrangé pour déposer leur fille plus tôt le matin avant d’aller travailler. Ainsi, la maman a pu rester à la maison avec le bébé.

6. ACCORDEZ-VOUS DE FAÇON RÉGULIÈRE UN MOMENT POUR PRENDRE SOIN DE VOUS. En tant que parents, il paraît quelquefois impossible de s’occuper de soi mais il est important de pratiquer une activité hebdomadaire permettant de relâcher la pression engendrée par l’astreinte permanente auprès des petits. Cela peut être de faire de la gym, de faire une promenade, de prendre un café avec une amie, ou de sortir en couple une fois par mois. Prenez soin de vous aussi souvent que possible. Même de toutes petites habitudes telles que faire une sieste ou s’asseoir pour souffler pendant 5 minutes peuvent changer la donne.

7. PRATIQUEZ LA RELAXATION OU LA MÉDITATION. De nos jours, il est difficile de contester que : une pratique régulière de la méditation, de la relaxation ou tout exercice basé sur la respiration (même 10 minutes par jour) est un excellent moyen de changer d’état d’esprit, de vous apporter un niveau de relaxation optimal et de bien être dans votre vie. Vous pouvez ainsi être mieux dans votre peau et donc mieux avec vos enfants et moins à cran.

8. TROUVEZ QUELQU’UN A QUI PARLER. Trouvez du soutien en partageant les enjeux et les joies de la parentalité avec d’autres parents est un outil important proposé par l’approche Grandir Main dans la Main. Elle permet aux parents de se sentir soutenus. Trouvez une personne que vous pouvez appeler chaque semaine en partageant équitablement le temps d’écoute et de parole, que ce soit 30 minutes ou une heure. Celui qui se trouve en position d’écoute ne doit pas donner de conseils ni faire de suggestions. Il se doit de laisser la latitude nécessaire à l’autre parent pour qu’il se sente en confiance lors du partage d’expérience, même dans les récits les plus sombres, et ainsi lui permettre de trouver une solution au problème par lui-même.

Les moments où nous perdons pied peuvent être l’occasion de guérir de nos blessures et de nous permettre de rester connectés avec nos enfants. En effet, lorsque nous pansons nos plaies, nous constatons que le comportement de nos enfants se modifie également, comme par miracle. Laura Markham explique : « Le paradoxe c’est que nous avons l’impression que l’enfant semble créer le problème. Mais lorsque nous faisons une partie du travail, ledit problème s’estompe toujours. Calmer le jeu nous permettrait-il de mettre des limites bienveillantes mais fermes et d’aider notre enfant à gérer ses émotions plutôt que d’ajouter de l’huile sur le feu ? Malgré tout, une fois que nous sommes parvenus à démêler l’imbroglio en nous-même, nous constatons bien souvent que notre enfant opère lui aussi une percée. Chacun de nous guérit et grandit. »

Alors, notez la façon dont votre enfant déclenche ces sentiments et où les racines de cette souffrance peuvent se situer. Avec un bon écoutant, explorez la colère, la frustration, l’embarras ou le désespoir qui émergent lorsque votre enfant agit d’une manière qui vous perturbe. Accordez-vous le temps nécessaire pour identifier les sentiments qui émanent de vous. Tandis que nous exprimons et surmontons ces sentiments, nous ne changeons pas seulement nous-mêmes mais nous changeons nos enfants dans le processus aussi.

Julie Johnson