Grandir Main dans la Main

Aider les jeunes enfants à dormir

Un article de Patty Wipfler, fondatrice de Hand in Hand Parenting, directrice des programmes et formatrice / Traduit de l’anglais par Soizic Le Gouais et Chloé Saint-Guilhem

La confiance dans le sommeil ne vient pas naturellement pour beaucoup d’enfants et ils peuvent lutter pour aller au lit et s’endormir seuls ou dormir toute la nuit. Les jeunes enfants laissés seuls sans adulte proche pour leur apporter de la protection peuvent se sentir très insécurisés. En tant qu’adulte, notre sens de la sécurité est bien plus vaste qu’un lit douillet et s’étend à la maison toute entière voire au voisinage. Ce large concept d’environnement sécure peut prendre plusieurs années pour se développer et c’est normal pour un enfant de sentir qu’il a besoin d’un contact physique avec un adulte avant de se sentir assez confiant pour se détendre et bien dormir.

La plupart des parents font des choses utiles pour amener leur petit à dormir – ils le bercent, lui donnent un biberon, s’allongent à côté de lui ou le blottissent contre eux dans leur lit, espérant quelques heures de repos supplémentaires. Pour certains parents chanceux, il y a une lente progression vers des réveils nocturnes moins fréquents qui aboutissent à des nuits de sommeil complètes. Mais pour d’autres parents, cela prend des mois d’adaptation patiente, suivie par de la frustration et une montagne de stress parce que ni eux ni leur enfant ne peut dormir toute la nuit.

Les enfants ont besoin de nous pour leur répondre quand ils se réveillent la nuit

Nous parents, voulons que nos enfants apprennent à dormir toute la nuit mais nous sommes souvent mal à l’aise avec les méthodes recommandées qui préconisent de laisser l’enfant pleurer, effrayé et seul dans son lit ou dans sa chambre, sans réponse de notre part. Beaucoup de parents ne supportent pas de faire ça. Cela ne correspond pas à notre instinct d’aider et d’être digne de confiance quand notre enfant a besoin de réassurance. Cet instinct est bon.

Les parents ont besoin de répondre quand un enfant pleure. Les enfants ont besoin de savoir que nous serons là pour eux, particulièrement quand tout leur système nous dit que quelque chose ne va pas.

Aider un enfant à dormir avec l’approche “je vais t’écouter jusqu’à ce que tu t’endormes”.

Il y a une façon efficace et soutenante d’accompagner un enfant dans ses difficultés de sommeil. Cette approche permet à votre enfant de relâcher les tensions qui le tiennent éveillé et vous permet de l’aider à récupérer et dormir paisiblement. Ce n’est pas une approche facile, mais elle est pleine d’amour, respectueuse, et elle fonctionne.

Les principes sur lesquels cette approche est basée sont les suivants:

  • Quand les enfants ne peuvent pas dormir toute la nuit et qu’il n’y a pas de problème de santé ou de développement tel que de la fièvre ou une poussée de croissance, la cause est la plupart du temps quelque chose comme une tension émotionnelle ou du stress qui remonte à la surface dans l’esprit de l’enfant pendant le sommeil.
  • Le stress émotionnel de l’enfant est soulagé quand un adulte peut rester proche et écouter comment l’enfant se sent. Les pleurs, l’agitation, la transpiration et les tremblements des enfants les guérissent vraiment de leur peur et de leur chagrin, si un parent peut se montrer rassurant et attentif. Exprimer une émotion intense est le meilleur moyen pour l’enfant, de se libérer des sentiments qu’il porte. Ces sentiments proviennent de difficultés, de souffrances ou d’anxiétés, qu’elles soient récentes ou lointaines.
  • Les systèmes des enfants sont faits pour exprimer leur colère dans l’instant et vigoureusement. Mais notre tendance en tant que parents est de les empêcher de partager leurs sentiments ! On nous apprend à donner des tétines, de la nourriture, à les bercer, les caresser, les réprimander et plus tard, à les isoler et leur donner une fessée si les pleurs ou les cris continuent plus d’une minute. On nous apprend à aller contre le propre instinct de guérison de nos enfants, pour se libérer des mauvais sentiments instantanément.

Alors nos enfants stockent ces contrariétés et essaient plusieurs fois par jour de s’en libérer, la plupart du temps en testant les limites ou en s’effondrant pour des prétextes anodins. S’ils ne peuvent pas les décharger durant la journée, les sentiments peuvent venir les déranger pendant la nuit.

C’est pourquoi allaiter ou donner le biberon, bercer ou caresser un enfant qui se réveille la nuit ne l’empêche pas de se réveiller encore. En fait tandis que le stock d’émotions de l’enfant augmente, il se réveille plus souvent, essayant ainsi de trouver un exutoire. Les parents essaient de résoudre le problème en proposant de la nourriture ou en permettant à l’enfant de dormir avec eux, comme moyens de calmer les sentiments à nouveau. Mais avec le temps, les tensions refoulées de l’enfant peuvent devenir un problème pour tout le monde.

Des familles saines dans de nombreuses cultures permettent aux enfants de dormir avec leurs parents et si cela fonctionne pour vous, c’est super. Mais si votre horaire de sommeil ne s’aligne pas bien avec  celui de votre enfant ou si les bons effets du sommeil partagé sont annulés parce que personne ne dort bien avec cette organisation dans la maison, sachez qu’il existe d’autres options.

Aider votre enfant à relâcher les tensions qui le réveillent. 

C’est plus facile à faire pendant la journée que pendant la nuit, alors une bonne stratégie à essayer en premier est d’écouter les sentiments de colère de votre enfant quand ils apparaissent pendant la journée. Rapprochez-vous simplement, dîtes lui un ou deux mots d’amour, offrez lui un contact du regard chaleureux et un contact affectueux et laissez le pleurer ou être en colère jusqu’à ce qu’il se sente mieux.

Les enfants utilisent plein de petits prétextes qui leur servent à évacuer le trop plein de sentiments. Ils vont pleurer à propos du tee-shirt qu’on leur a mis sur la tête ou de devoir faire un shampoing, parce que vous vous êtes éloignée de six pas pour faire la vaisselle ou à propos de leurs moufles qui ne rentrent pas parfaitement dans les manches de leur manteau. Quand de grosses larmes commencent, restez proche, portez votre attention sur tous ces sentiments qu’ils ont et n’essayez pas de réparer toutes les petites choses qui les mettent en colère. Écoutez simplement comment ils se sentent à propos de tout cela, autant que vous le pouvez.

Quand les enfants sentent que vous les écoutez, ils pleurent souvent plus fort. Votre attention chaleureuse les rassure suffisamment pour leur permettre de ressentir des grands sentiments de peur ou de douleur. Ayez confiance dans le fait que votre enfant sait ce qu’il est en train de faire quand il pleure avec votre soutien. Vous verrez plus tard les bons résultats. Des pleurs intenses dans vos bras aideront votre enfant à se relaxer, à avoir confiance en vous et à voir le monde comme un lieu plus sûr. Tout ce dont il a besoin est de vous sentir proche et confiante que tout va bien.

Si écouter le jour n’est pas suffisant pour atténuer les réveils nocturnes, écoutez la nuit.

Vous allez sûrement vouloir prendre une semaine pour vous organiser et pouvoir mettre en place une sieste supplémentaire pendant la journée ou acheter des bouchons d’oreilles pour tout le reste de la famille.

  • Quand votre enfant se réveille la première fois, allez le voir et allumez une petite lumière, de manière à ce qu’il vous voit et qu’il voit qu’il est en sécurité. Rapprochez-vous et offrez lui un contact du regard.
  • Dites lui que c’est ok de retourner dormir et que ce n’est pas le moment de téter ou d’avoir un biberon ou de venir dans votre lit maintenant. Dites lui que tout va bien. « Je suis juste là. Tu es parfaitement en sécurité.  » « Tu as tout ce dont tu as besoin chéri. Je ne vais pas m’en aller. » Offrez lui un contact physique chaleureux, mais ne le prenez pas tout de suite dans vos bras. Encouragez-le délicatement à se rallonger.
  • Ecoutez ses sentiments. S’il tremble, vous repousse, se cambre, ferme ses yeux très fort et fait beaucoup de mouvements, tout va bien. Ces signes indiquent qu’il décharge les peurs qui l’empêchent de se reposer. Cela peut paraître effrayant mais il utilise un processus de guérison très puissant – qu’il sait utiliser depuis la naissance – et il sera capable de bien dormir ensuite. Pendant que vous l’écoutez, votre enfant absorbe votre amour. 
  • S’il pleure de façon intense, vous pouvez le prendre et le garder dans vos bras pendant qu’il pleure. Après quelques temps de pleurs, beaucoup d’enfants sont pleinement en contact avec les émotions qu’ils ont besoin de relâcher et le fait d’être dans vos bras ne les empêche pas de pleurer fort. D’autres enfants s’arrêtent de pleurer quand ils sont tenus proches. Si votre enfant s’arrête de pleurer quand il est dans vos bras, rappelez-lui qu’il est temps de retourner dormir et replacez-le lentement dans son lit.
  • Rappelez-vous tandis que vous l’écoutez que votre enfant a tout ce dont il a besoin. Il vous a vous qui prenez soin de lui, il a votre affection chaleureuse, et il est en sécurité tout proche de vous. Il ne peut pas dire que tout va bien à cause des sentiments qu’il porte en lui et non pas à cause de quelque chose qui lui manque au moment présent.
  • Permettez-lui de pleurer jusqu’à ce qu’il soit content de retourner dans son lit ou jusqu’à ce qu’il s’endorme dans vos bras. Ceci peut prendre de quelques minutes à une heure ou plus, selon l’importance des sentiments qu’il a en lui.
  • Observez son comportement le jour suivant. Généralement, chez les enfants qui ont pleuré un bon moment, on peut remarquer leur gain de confiance, leur proximité et leur détente. Parfois vous verrez des progrès dans leur compétences physiques et leur courage. Parfois, après qu’un parent a écouté longuement pour la  première fois, l’instinct de l’enfant lui dit “Enfin! ils écoutent !” et il trouve le moyen de démarrer une nouvelle grosse crise de larmes  le lendemain matin. Si vous pouvez encore écouter, sa charge de tensions pourra être allégée une fois de plus. il se peut que cela prenne plusieurs sessions d’écoute avant qu’un enfant soit en mesure de mieux dormir, mais vous verrez des changements positifs dans son fonctionnement qui vous montreront qu’il fait des progrès.

Ecouter les émotions d’un enfant fonctionne avec le temps.

Ce processus dépend de facteurs que vous ne pouvez pas connaître à l’avance. Les enfants qui ont vécu des moments de stress avant la naissance, pendant la naissance ou dans leur toute première enfance, demandent parfois de l’aide avec leurs peurs au milieu de la nuit pendant des mois. D’autres enfants ont besoin d’être écoutés seulement occasionnellement, notamment pendant et après des maladies ou quand il y a un pic de stress dans leur vie. Dans tous les cas, votre enfant deviendra plus confiant, se sentira plus proche de vous et aura de meilleures relations avec les autres si vous pouvez écouter ses émotions pendant la nuit au moins de temps en temps.

Il se peut que vous ressentiez le besoin de pleurer vous aussi pendant que votre enfant pleure à propos de ses émotions. En fait, les pleurs de nos enfants font souvent remonter à la surface les sentiments les plus forts que nous ayons ! C’est parce que la plupart d’entre nous ont rarement eu la chance de pleurer sur les sentiments douloureux de notre enfance. Quand nos enfants pleurent, quelque chose à l’intérieur de nous dit, “Hé ! J’ai de grands sentiments moi aussi !” Aussi, le fait de trouver un autre adulte avec qui parler et qui ne sera pas contrarié si vos sentiments font surface, jouera un rôle important pour vous préparer à aider votre enfant. Vous écouterez mieux, si vous êtes écoutée vous aussi.

Travailler sur le sommeil amène une bonne journée à l’école.

Voici l’expérience d’un parent qui a rassemblé son courage pour écouter les peurs de son enfant au moment du coucher :

Délia venait d’avoir trois ans. Elle venait de changer de mode de garde récemment et elle passait de relativement bonnes journées mais n’était pas encore complètement à l’aise dans sa nouvelle crèche, même si celle-ci était bien gérée par une équipe attentive. Elle semblait “attendre en quelque sorte, en marquant le temps jusqu’à ce que ses parents arrivent pour venir la chercher. Elle avait aussi beaucoup de difficultés pour dormir dans son propre lit la nuit.

Ses parents ont décidé d’essayer de l’aider avec ses peurs liées au fait d’être dans sa propre chambre. Ils ont joué avec elle, l’ont câlinée et ont fait un effort particulier pour se connecter avec elle avant le moment du coucher, pour être sûrs qu’elle sente pleinement qu’ils étaient de son côté. Ensuite, ils lui ont lu l’histoire habituelle puis lui ont dit, “Ok, nous allons partir maintenant. Bonne nuit !” Elle a exprimé ses plaintes habituelles et a commencé à se sentir effrayée. Ils lui ont dit “Nous serons juste là dans le salon. Tu es en sécurité.” Elle a commencé à protester, mais sa maman, à qui elle était le plus attachée au moment du coucher, s’en alla vers la porte. Son père resta près d’elle, à côté de son lit.

Elle a commencé à pleurer en réclamant sa maman. Sa maman s’est arrêtée et s’est tournée face à elle, réaffirmant à Délia qu’elle était en sécurité et que maman n’allait pas loin. Son père la tenait dans ses bras dans lesquels elle pleura pendant longtemps. Quand elle commençait à s’arrêter de pleurer, sa maman disait “ok, je vais aller un peu plus loin maintenant,” et faisait un pas de plus vers la porte. Délia se mit à pleurer à nouveau. Sa maman continua à se rapprocher petit à petit de la porte, pendant une demi heure, écoutant Délia pendant tout le temps, jusqu’à ce qu’elle soit hors de vue. Délia continuait de pleurer. Sa maman lui parlait, mais restait là où elle ne pouvait pas être vue.

Ensuite, son papa a commencé à se lever. Cela a amené plus de pleurs. Ca a été une longue “session” où elle a continué à pleurer jusqu’au moment de s’endormir, son père se trouvant dans sa chambre, à mi-chemin vers la sortie. Ses parents ont écouté ses sentiments et sont restés proches mais pas trop, ce qui l’aurait empêchée de sentir les émotions liées à la séparation progressive.

Les pleurs ont été intenses et les parents étaient très soucieux de l’effet que cela pourrait avoir sur elle. Ils sont allées dormir, presque certains qu’ils avaient fait le mauvais choix et qu’ils lui avaient fait vivre un moment très douloureux et traumatisant. Ils s’inquiétaient de savoir comment ils allaient l’aider le jour suivant.

Mais Délia s’est réveillée lumineuse et désireuse d’aller à la crèche. Elle semblait aller bien et ses parents étaient soulagés. Quand son père est venu la chercher à la crèche à la fin de la journée ce jour là, l’éducatrice tenait absolument à le voir et lui dit « vous savez, Délia a passé une excellente journée aujourd’hui. Elle était ouverte aux autres et a proposé des jeux incluant plusieurs autres enfants, ils ont tous beaucoup ri et ont passé un bon moment. Nous ne l’avions jamais vu si enthousiaste et sûre d’elle-même ! »

Il était alors évident que l’écoute de ses sentiments avait été utile. Cela avait allégé ses peurs concernant le sommeil, tout comme les sentiments qui l’empêchaient de jouer. Délia a encore eu quelques pleurs de plus courte durée au sujet du sommeil la semaine qui a suivi et ensuite elle pouvait dire qu’elle se sentait en sécurité dans son lit.

Un autre outil aidant pour aborder les difficultés liées au sommeil est le jeu de bagarre et de chahut. Ce type de jeu avant d’aller dormir peut être une façon idéale de se défouler, d’aider les enfants à dormir et de développer un lien proche.